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15 octobre 2021

VYGON entreprise au coeur de la crise et au coeur de la transformation

Publié par Anne LAFONT (TBS PROGRAMME GRANDE ECOLE, 1988) | N° 103 - Oui, il y a bien un monde après la Covid !

 Vygon est un laboratoire français spécialisé dans le dispositif médical. C’est une belle ETI, d’envergure internationale, qui conçoit, fabrique et commercialise un important catalogue de produits et qui opère tous les continents à travers ses 23 filiales internationales. Découvrez l'interview de François Rochiccioli, Vice-Président chez Vygon. 




 Résilience & Plasticité 

François Rochiccioli (PGE 1988)
Vice-Président chez Vygon


Comment Vygon a été impacté par le Covid ?

Dès mars 2020, nous avons ressenti une demande soudaine dans le domaine des soins critiques. Nos clients faisaient des achats de précautions car ils sentaient la menace de pénurie. Dans le même temps, très rapidement, des commandes ont été suspendues avec l’annulation d’opérations programmées qui a provoqué une forte baisse de la consommation de dispositifs dédiés notamment à la chirurgie ambulatoire. 

Dès cette époque, nous avons vécu une mobilisation à marche forcée pour répondre aux besoins des hôpitaux et appris à faire très vite des changements dans nos lignes de production pour les adapter le plus possible à une demande atypique. Il n’était pas possible d’ouvrir de nouvelles lignes. En revanche, nous avons augmenté les capacités de certaines chaînes, formé en urgence et dirigé du personnel vers le montage et les lignes de production qui fonctionnaient non-stop, augmenté les plages horaires des salariés. Nous les avons mobilisés alors que les ressources humaines faisaient face dans le même temps à des défaillances dans les usines. Il fallait gérer l’absentéisme de ceux qui tombaient malades et de ceux qui craignaient de le devenir. Nombreux d’entre nous, en fait la très grande majorité, ont été très volontaires, très impliqués. Et grâce à eux, nous avons livré, nous avons participé à la chaîne des soins. L’engagement de Vygon dans cette tempête sanitaire a été médiatisé dans la presse et sur les chaînes de TV. Cela a contribué à soutenir les équipes. Et au-delà de cette valorisation médiatique, la reconnaissance qu’exprimaient clairement les hospitaliers à leur égard, dans nos échanges directs avec eux et sur les réseaux sociaux, toutes les réactions humaines positives qu’a provoqué cette réaction des salariés de l’entreprise, tout cela les a portés. Ils ont sincèrement apprécié d’être plus qu’utiles, indispensables. Le message du made in France et de la souveraineté industrielle a également valorisé les équipes chez Vygon. Oui, disons-le, une certaine fierté.


Et en dehors des usines ?

Cette réaction positive, a été observée partout dans l’entreprise car en réalité, le Covid a créé de la désorganisation partout. Il fallait tout à coup que les salariés puissent garder leurs enfants et travailler en même temps, que brutalement le télétravail devienne dominant dans les tâches hors site de production, que toute la chaîne surmonte au quotidien les problèmes d’approvisionnements en matière première. Et nous l’avons fait. 

Nous avons réussi la mise en place rapide du télétravail parce que c’était déjà un projet en cours chez Vygon. Nous avons fortement accéléré un processus que nous étions en train de construire avec les salariés. Un outil comme Workplace était déjà opérationnel, le cadre opérationnel du télétravail aussi. Les équipes ont très bien réagi. Pour ceux qui ne pouvaient pas pleinement exercer leur mission, les commerciaux par exemple, des formations ont été mises en œuvre pour que cette période soit mise à profit pour l’après-crise. 

Quelles ont été les conséquences au niveau du secteur ?

La crise sanitaire a créé une crise logistique inédite aux conséquences incertaines

 

Elle a brutalement mis en lumière les enjeux de la logistique et de la mondialisation de la production de dispositifs médicaux. La majorité de notre approvisionnement en matière première n’a pas été affectée car il est principalement européen. Mais au niveau international la chaîne logistique a très mal résisté. Certains pays ont littéralement tout arrêté. On ne trouvait plus de bateaux pour transporter les produits et c’est encore le cas aujourd’hui.

Très vite, la Chine est repartie pendant que nous affrontions la deuxième vague. Alors que jusqu‘ici les produits chinois entraient encore difficilement sur certains marchés, la crise logistique a induit de nouveaux comportements d’achats. En tant que fabricant européen nous traitons les problématiques de normes sur le long terme avec des processus robustes capables de répondre à la nouvelle MDR (Medicamental Device Regulation) très coûteuse. Les entreprises chinoises, elles, sont très opportunistes et ne craignent pas de se lancer sur des productions volatiles. En ce moment par exemple, il y a une pénurie de seringues. Alors, les entreprises chinoises fabriquent des seringues, quitte à arrêter d’autres produits moins rentables. Lorsqu’un marché est tendu et la demande forte, la pression réglementaire tombe, les ventes se font. Avec cette crise de nouvelles routes se sont ouvertes pour les produits chinois qui parviennent à éviter les contrôles. Si nous voulons, à terme, protéger notre activité industrielle de pointe, veillons à ce que nous soyons sur le même niveau de respect des contraintes réglementaires.

Un bilan sur l’activité ?

Difficile aujourd’hui de faire un bilan sur les incidences de cette crise sur notre activité. Les opérations annulées par la pression hospitalière liée au Covid, ce sont aussi des commandes annulées. Nous n’avons pas forcément acquis de nouveaux clients mais nos clients déjà importants nous ont commandé davantage de produits pour la réanimation. Notre gamme dans ce domaine est large, elle a amorti les baisses des autres gammes. 

On observe un autre phénomène lié à ce qui s’est produit qui peut étonner. Vygon est très bien placé sur tous les matériels dédiés aux prématurés. Et bien avec le Covid et les confinements subis dans de nombreux pays, le nombre de prématurés a baissé. On a aussi une baisse de la natalité historique sur cette année de pandémie. Y aura -t-il un baby-boom à la suite de cette baisse qui compensera cette perte d’activité, je ne sais pas ! 

Et des changements dans l’entreprise, des innovations provoqués par le Covid ?

Ce qu’on sait sur les conséquences directes de cette période de crise, c’est qu’elle nous a fait prendre un grand virage digital.. Un retour en arrière est improbable. Le télétravail va devenir une norme et même une nouvelle manière de vivre.

On a aussi marqué des points d’image, parce qu’on a été très présent et que certains de nos produits se sont révélés vraiment précieux. Espérons, quand l’accalmie sera venue, que nos clients ne se tourneront pas vers les moins offrants. 

Par ailleurs, ce que l’on retient de cette période c’est qu’il faut maintenir et même développer une forte capacité d’adaptation.

 

Ce que l’on a su faire avec le Covid, il faudra savoir le refaire. On est soumis à des réglementations de plus en plus complexes et en même temps il faut pouvoir s’adapter parce que notre univers bouge sans cesse, les règles changent. Il y a des tendances fortes mais aussi des épisodes inattendus. Il faut savoir les vivre. Se préparer à savoir les vivre. Pour ce faire, quoi de mieux qu’appliquer le conseil de Marie Curie, personne que nous admirons chez Vygon, qui disait « Dans la vie rien n’est à craindre, tout est à comprendre.»

Dans ce contexte, c’est bien l’innovation qui nous permettra de durer. On pense souvent que l’innovation a été un moteur de la résilience face au Covid mais pour une entreprise comme la nôtre, pour laquelle l’innovation est programmée et dont c’est une part de l’ADN, la crise ne l'a pas véritablement stimulée. Au contraire, elle a ralenti nos projets. De façon générale, le piège c’est justement de créer des usines Covid. Covid ou pas Covid, il faut créer de l’innovation et créer de la valeur dans des secteurs de pointe. La santé en est un, bien sûr et en France, d’excellence.

Pour finir par le plus important, ce que nous a montré cette pandémie, c’est qu’on avait des ressources humaines expérimentées sur lesquelles nous pouvions compter pour agir. C’est déjà beaucoup et même énorme !




 

Auteur

Anne LAFONT (TBS PROGRAMME GRANDE ECOLE, 1988)

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