Hydrogene/décarbonation/sobriété : une trilogie complexe !
Hydrogene/décarbonation/sobriété : une trilogie complexe !
Simon PUJAU [TBS Edcuation 2021]
Responsable du Pôle Relations Institutionnelles chez France Hydrogène
flagrants. Son objectif est clair : œuvrer pour la transition environnementale au niveau Européen, dans le domaine de l’énergie en partenariat avec les entreprises, en totale adéquation avec sa nouvelle fonction !
France Hydrogène, Quesaco ? Comme on pourrait dire dans le Gers, terre d’origine de notre alumni…
En quelques mots : il s’agit d’une association de plus de 460 membres qui coalise la chaine de valeur de toute la filière hydrogène, des énergéticiens aux utilisateurs finaux dans les domaines de la sidérurgie, de la chimie, des transports (mobilité routière lourde ou intensive, maritime, , ferroviaire, aérien), en passant par des équipementiers (fabricants d’électrolyseurs, de piles à combustible, de composants …) … ainsi que, exception dans le monde des associations professionnelles : des collectivités territoriales, la stratégie nationale visant à faire de l’hydrogène simultanément un vecteur de décarbonation et de réindustrialisation des territoires
La vocation de l’association est de partager des analyses avec tous les acteurs de la filière (équipementiers, fabricants d’électrolyseurs, industriels…), de faire ressortir de ces travaux des
Simon Pujau décrypte pour nous les enjeux de la politique française et européenne autour de la production d’hydrogène vert et/ou décarboné et de ses applications !
Mais tout d’abord il est nécessaire de s’attarder un peu sur la brillante trajectoire de Simon. A 25 ans il est déjà diplômé de Science PO Toulouse (Option Affaires Européennes), TBS (option Stratégie d’entreprise) et titulaire d’un Master 2 en droit du développement durable ! En parallèle il a également eu le temps de travailler dans une Startup Franco-Sénégalaise « JOKOSUN », dont l’activité est de fournir un accès à l’énergie aux populations vivant dans les zones rurales privées de réseau, et de suivre un parcours en alternance chez EDF dans le développement des offres photovoltaïques du groupe. Sa dernière année d’alternance, pendant son Master 2, se déroule chez France Hydrogène où il est embauché en août 2022 comme responsable du Pôle Relations Institutionnelles.
The right man at the right place !
Le parcours fulgurant de Simon relève de tout sauf du hasard. Dès le début de nos échanges son engagement dans les thématiques d’autonomie industrielle, de décarbonation de l’énergie et sa détermination sont
intérêts collectifs et de les transformer en livrables susceptibles d’influer sur la chaine législative française ou européenne. Il s’agit bel et bien de chasser en meute : trouver des points de convergence cohérents, ne se limitant pas au plus petit dénominateur commun (risque lorsque l’on réunit des groupes aux intérêts parfois contraires), et pouvoir les porter avec force, avec le poids de toute une filière industrielle, auprès des institutions européennes et du Gouvernement.
L’enjeu est majeur pour la France, qui consacre dans le plan d’investissements France 2030 une enveloppe de 9,1 Mds€ à l’hydrogène décarboné, auxquels il faut ajouter des crédits alloués à d’autres enveloppes mais concernant au premier chef la chaîne de valeur hydrogène : environ 3 des 5 milliards d’euros consacrés à la décarbonation de l’industrie lourde, une partie des 1,2Mds€ pour la décarbonation de l’aéronautique, etc. La structure de l’association hexagonale en témoigne par sa taille, la plus importante après son équivalent européen, HYDROGEN EUROPE, dont France Hydrogène siège par ailleurs au Conseil d’Administration.
L’Europe est dans une période intense de négociations pour établir le cadre législatif de développement de l’hydrogène décarboné, vecteur sur lequel de grandes ambitions sont fixées, particulièrement relevées depuis
l’invasion russe en Ukraine et le plan RePowerEU qui s’en est suivi, réponse européenne visant à réduire rapidement la dépendance du Continent aux hydrocarbures russes. L’hydrogène décarboné bénéficie d’une place de choix dans ce plan car permet de se substituer aux énergies fossiles sur des cas d’usage massifs :
- Décarbonation de l’industrie lourde, tout d’abord comme matière première (c’est-à-dire chimique) pour le raffinage du pétrole, la production d’ammoniac ou d’autres vecteurs chimiques, et la manufacture d’acier décarboné (en se substituant au coke). Mais également pour l’obtention de chaleur industrielle haute température, lorsque l’électrifciation directe des procédés est insuffisante.
- Décarbonation des transports sur des segments spécifiques (mais très importants en volumes énergétiques !) lorsque l’utilisation directe d’électricité (batteries) ne peut répondre au besoin, c’est-à-dire des véhicules à long rayon d’action ou très consommateurs en énergie : transport routier intensif ou lourd, ferroviaire pour les lignes non électrifiées, aviation et maritime soit par usage direct de l’hydrogène, soit par l’usage de carburants de synthèse dérivés de l’hydrogène, type e-méthanol ou e-kérosène.
Le gouvernement est actuellement à la manœuvre pour influer sur les politiques européennes particulièrement dans le chapitre de la production d’hydrogène, avec un enjeu crucial pour que la France bénéficie d’un avantage compétitif : que l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire (dit bas-carbone) soit traité équitablement avec l’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable.
Sur ce dossier, cristallisé dans la directive RED 3, qui fixe les objectifs européens d’énergies renouvelables et est en cours de négociation finale à l’heure où s’écrivent ces lignes, les positions françaises sont directement portées par le Président de la République, Elisabeth Borne et ses ministres, notamment Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. France Hydrogène intervient en soutien direct de ces positions, notamment par la construction d’une coalition européenne, qui s’est dernièrement illustrée dans un courrier adressé aux Commissaires, eurodéputés et chefs d’Etat de l’Union (10 mars[1]).
Il en va de la capacité du pays à s’affranchir de l’importation de matières premières fossiles tout en maintenant une base industrielle forte, notamment sidérurgique et chimique, indispensable à notre autonomie stratégique. Et de combiner la décarbonation de certains modes de transport et en créant la filière hydrogène et ses équipementiers dans l’esprit d’une autonomie nationale ou européenne avec une supply chain relocalisé de toute la filière.
Et la sobrieté dans tout ça ?
En fait le recours à l’hydrogène décarboné, s’il ne concourt pas directement à la sobriété dans nos territoires, participera globalement à la sobriété de notre économie par :
- La réduction du recours aux énergies fossiles importées, aux matières premières importées pour l’industrie.
- La relocalisation d’une base industrielle forte, décarbonée.
- Une contribution majeure au développement de la mobilité bas-carbone, en étant utilisé lorsque cela est pertinent, c’est-à-dire là où des motorisations plus efficaces (batteries) ou le report modal n’auront pu « faire le travail ».
- La création d’une industrie manufacturière (pièces et assemblage automobile, maritime …) nationale le long de toute la chaîne de valeur hydrogène, créatrice d’emplois au sein des territoires, et permettant de réduire nos importations.
- Une production énergétique décentralisée au plus proche des besoins et créatrice d’emplois locaux.
Nous sommes bien, comme le dit Simon en conclusion, à la croisée des chemins et il ne faut pas opposer les différentes solutions (énergétiques, changements d’usages …)mais bien au contraire tout combiner, y compris notre sobriété globale. Nous faisons face à un mur énergétique colossal : tous les leviers seront nécessaires pour relever le triple défi de décarbonation, sécurité d’approvisionnement et autonomie industrielle. La conception du cadre législatif adéquat sera clé pour cela, c’est une tâche énorme mais passionnante !
Propos recueillis par Pierre SOULMIAC (TBS Education 1988)
[1] Article Euractiv sur le sujet, courier en bas d’article ; Industries unite behind nuclear-made hydrogen, in addition to renewables
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