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06 juillet 2023

L’abandon des énergies fossiles, nous l’obtiendrons aussi par l’innovation

Publié par Anne LAFONT (TBS Education 1988) | N° 105 - Entreprises et sobriété

L’abandon des énergies fossiles, nous l’obtiendrons aussi par l’innovation 

 

Damien ADAM [TBS Edcuation 2014] 

Député de Normandie

Parlez-moi un peu de vous et de votre parcours.

Diplômé TBS en 2014, j’ai débuté une carrière dans le privé, chez Bouygues Telecom puis au Crédit-Agricole mais j’ai toujours été intéressé par la politique sans avoir vraiment les clés pour en faire. J’aurais adoré faire le parcours TBS Sciences po mais j’ai été diplômé un peu trop tôt ! En juin 2017, je me suis présenté et j’ai été élu en Normandie avec « En marche ! » et j’ai été réélu en juin cette année. 

 

Depuis que les hydrocarbures  et surtout le gaz russe sont devenus une arme de guerre,  la nécessité d’une sobriété énergétique est passée au premier plan. Est-ce que le plan de sobriété qui a été décidé à l’automne 2022 a été géré comme un plan de crise ? 

 

Quand à la fin du mois de février 2022 la Russie a envahi l’Ukraine, les pays européens se sont très vite retrouvés pour réagir ensemble. C’était effectivement une réaction concertée à la crise, comme nous l’avions eu pour la pandémie Covid 19 par exemple. Très vite, nous avons décidé des sanctions communes contre la Russie. En réalité, ce sont ces mesures qui ont provoqué les tensions sur le pétrole d’abord puis sur le gaz russe car nous avons collectivement décidé de ne plus financer la Russie par nos importations. 

 

 

"Il s'agit d'intégrer dans nos vies quotidiennes que l'abondance énergétique ne va pas de soi."

En tant qu’élu, comment avez-vous été impliqué ?

 

Les premiers scénarios du conflit sont étudiés en février. Les sanctions arrivent juste après l’invasion mais leur impact sur notre approvisionnement énergétique se fait sentir plus tard. A la fin du deuxième trimestre, on sait que ce conflit va devenir une crise énergétique. En France, dans le même temps, le parc de centrales nucléaires est affecté par la réparation de 16 réacteurs en raison de corrosion sous contrainte ce qui accentue les difficultés. Depuis l’intégration du nouveau parlement en juin  dernier, des groupes de travail ont participé à la construction du plan sobriété énergétique, ont apporté des idées et fait remonter des informations et constats du terrain depuis nos circonscriptions.

 

Jusqu’ici il n’y avait pas vraiment de prise de conscience des opinions publiques sur le fait que l’énergie facile abondante et bon marché était loin d’être une évidence. Est-ce que finalement la guerre en Ukraine ne fait-elle pas progresser la question du changement climatique dans l’opinion ?

 

C’est vrai, depuis les recommandations du plan de sobriété énergétique, les particuliers se posent beaucoup de questions sur leur consommation et sur les moyens de la réduire. Cela correspond aussi au moment où les implantations de compteurs Linky se déploient. On se met tous à mieux surveiller ses consommations, ne serait-ce que pour contrôler ses factures. 

Pour les grosses entreprises et en particulier celles qui consomment le plus comme les sidérurgistes par exemple, la maîtrise de la facture énergétique était déjà bien installée.

 

Parlez moi du plan de sobriété énergétique 

 

Tout d’abord le plan de sobriété est associé à un plan de soutien. Il s’agit d’abord d’une série de recommandations de réduction de la consommation énergétique via des gestes simples du quotidien. Ensuite viennent des mesures d’optimisation des consommations et enfin l’élaboration d’un plan de délestage électrique dans l’hypothèse de demandes fortes sur certaines soirées hivernales difficiles.

 

Pouvez-me citer quelques unes de ses recommandations ?

 

Oui, des choses très simples comme par exemple décaler l’usage du lave-vaisselle ou du sèche-linge la nuit.

Ce qu’il faut apprendre à éviter collectivement c’est de sur-solliciter le réseau à des heures de fortes consommations.

Au fond il s’agit d’intégrer dans nos vies quotidiennes que l’abondance énergétique ne va pas de soi. 

 

"La sobriété ce n'est pas la décroissance. La sobriété c'est avant tout se débarrasser des consommations inutiles."

 

 

Nous vivons l’urgence de cette crise énergétique mais il y a aussi bien sûr une autre urgence, l’urgence climatique qui elle aussi  implique entre autres ressources, la consommation d’énergie. En quoi la sobriété est-elle aussi une réponse à long terme à cette autre forme d’urgence ? 

 

C’est vrai, et c’est pourquoi cette crise ne fait qu’accentuer un diagnostic déjà établi. La décarbonation qui peut freiner le réchauffement climatique passe aussi par la sobriété. En réalité, il faut agir sur  3 leviers.

La sobriété qui compte bien sûr, même si son impact est marginal. Le deuxième levier est la  décarbonation de nos consommations qui passe par son électrification et l’abandon des énergies fossiles (fuel, charbon et gaz). Nous souhaitons élever à 60 % la part électrique dans notre mix énergétique. Et ce résultat, nous l’obtiendrons aussi par un 3éme levier : l’innovation. L‘innovation compte partout et agit sur les deux autres leviers : remplacer une chaudière au gaz par une nouvelle génération de pompe à chaleur, investir dans la rénovation des bâtiments, de nouveaux moteurs… 

 

Selon vous quel rôle la  réglementation va-t-elle jouer dans la poursuite des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique ? 

 

Il faut agir sur plusieurs axes simultanément. Les incitations qui permettent au consommateur d’obtenir des résultats rapides comme une remise sur sa facture d’énergie quand elle baisse, ce que font déjà certains énergéticiens. Ensuite on propose des subventions. Par exemple pour la rénovation des bâtiments comme le dispositif « ma prim’ renov » ou encore des aides financières  aux industries pour l’accompagnement de la décarbonation de leurs productions.  Et  enfin il y a un volet coercitif complémentaire à ces mesures de stimulation et qui est également nécessaire. Il s’appuie sur la réglementation et la loi. La planification énergétique c’est aussi la surveillance et la mesure des résultats obtenus. Ce qui permet d’ajuster les différents types d’actions à ces résultats. 

 

 

"Notre objectif est ambitieux : faire de l'Europe le premier continent neutre en carbone en 2050"

 

Pour finir je voulais vous questionner sur l’antagonisme que l’on perçoit au premier abord entre croissance et sobriété . Notre modèle économique et sa santé est basé sur la croissance. Comment fait-on pour soutenir la croissance et en même temps favoriser la sobriété ? Cela paraît contre intuitif

 

La sobriété ce n’est pas la décroissance. La sobriété c’est avant tout se débarrasser des consommations inutiles. 

La lutte contre le réchauffement climatique a besoin de croissance pour créer des richesses, des recettes fiscales et donc des ressources pour investir dans la décarbonation de notre économie. Il n’y a pas de contradiction. Ce n’est pas parce qu’on vise la croissance qu’on renonce à la sobriété. La sobriété est une modification profonde de notre façon de produire en recherchant la baisse des consommations d’énergie et des ressources naturelles. C’est une optimisation. 

 

En France on sait que la croissance est souvent corrélée à la consommation des ménages. Comment doit-on  comprendre le message de sobriété  vis à vis des consommateurs?

 

Comme on souhaite produire autrement, on souhaite aussi consommer autrement. Des produits fabriqués plus près de nous, en Europe, en France, des services.  En réindustrialisant la France dans une approche décarbonée, on peut atteindre notre objectif qui est ambitieux : faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone en 2050. 

Propos recueillis par Anne LAFONT (TBS Education 1988)

Auteur

Anne LAFONT (TBS Education 1988)

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