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20 novembre 2024

Les entreprises du secteur de la santé recrutent en permanence

Vincent Sponton [TBS Education 2012]

Vincent, est-ce que tu peux nous retracer un peu ton parcours ?

J’ai réalisé un parcours de management commercial chez Procter & Gamble avant d'évoluer vers la formation et le management. Rapidement, j’ai pris goût aux ressources humaines et, après avoir obtenu mon Master spécialisé « Manager des Ressources Humaines », j'ai exercé un large panel de fonctions en ressources humaines.

J’ai exploré différents univers, le secteur bancaire, l'industrie et plus récemment, le secteur de la santé. Depuis 3 ans je participe au développement des ressources humaines de la Clinique du Pont de Chaume à Montauban.

 

"La fidélisation des soignants est un vrai enjeu"

 

Peux-tu nous parler de la pénurie de personnel soignant ?

 

La principale pénurie concerne les infirmiers, aggravée dans leur cas par les besoins de formations générés par les montées en compétences spécifiques nécessaires au bon fonctionnement du service.

Nous devons recruter mais aussi les former afin qu’ils aient tous un diplôme spécifique, par exemple pour exercer en bloc opératoire. Une des conséquences de cette pénurie de talents, c’est bien sûr le turn-over. Même si sur l’année nous comptons plus d’entrées que de sorties, le départ des salariés reste un vrai problème à résoudre. La fidélisation des soignants est un vrai enjeu.

 

Tu as travaillé dans de nombreux secteurs, selon ton expérience, qu'est-ce qui est propre à l'univers du soin ?

 

Ce que je constate, c’est d’abord un absentéisme important (de l’ordre de 25%) et son impact en termes de remplacement. Comme certains de nos services sont normés, nous devons avoir un nombre réglementaire d'infirmières et aides-soignantes par service : leurs absences entraînent systématiquement des remplacements.

Nous maintenons pour cela en permanence un « pool » de remplacement assez large de salariés qui ne sont pas affectés à un service, mais mobilisables sur d'autres services. Nous avons aussi recours au CDD et nous composons avec une évolution assez spécifique du secteur. Un certain nombre d’infirmières et d’aides-soignantes préfèrent travailler en vacation, à la journée ou à la semaine, plutôt qu'en CDD classique de 3 ou 6 mois, voire qu'en CDI. Elles y voient, notamment, un double intérêt : choisir leur planning et bénéficier des 10% de précarité.

"C’est une flexibilité choisie et c’est assez révélateur des nouveaux rapports au travail"

Est-ce qu’on peut dire que dans votre secteur cette forme de flexibilité n’est plus subie par le salarié ?

 

Effectivement, c’est une flexibilité choisie et c’est assez révélateur des nouveaux rapports au travail. Aujourd’hui, cette flexibilité se fait aux dépens des entreprises qui peuvent rencontrer des difficultés à avoir le personnel nécessaire au maintien de leurs services. Ceci explique que les entreprises du secteur recrutent en permanence.

Au-delà des difficultés de plannings, cette transformation implique des changements culturels en termes d'intégration, d'engagement, de stabilité de l’entreprise et de développement des compétences.

 

Est-ce que vous travaillez avec des agences d'intérim ?

 

Dans notre secteur, le recours à l'intérim a beaucoup diminué pour des raisons budgétaires. Les tarifications des entreprises sont encadrées et une partie importante des revenus sont financés. Les entreprises privées du secteur sanitaire n'ont pas une rentabilité aussi importante que ce qu'on peut imaginer. Pour cette raison, il est nécessaire de gérer au mieux les coûts de fonctionnement.

 

Quels sont les arguments de recrutement qui fonctionnent bien avec les nouvelles générations ?

 

Le principal argument, c'est la promesse de les accompagner dans leur intégration et dans leur développement professionnel. Un nouveau diplômé sorti de l'école a fait quelques stages et acquis un peu d'expérience : il s'agit alors de transformer ces premières expériences en compétences. Au moment du recrutement, on les oriente vers un service de leur choix, qui correspond à leurs compétences ou vers le service pool qui leur permettra de travailler dans plusieurs services. Progressivement, ils pourront développer des compétences dans leur spécialité. Un infirmier en réanimation ne déploie pas les mêmes savoir-faire qu'un infirmier en dialyse.

 

"Il s'agit de transformer les premières expériences en compétences."

 

Dans le même ordre d’idée, nous proposons à tous les infirmiers qui ont entre 4 mois et 2 ans d’ancienneté de participer à une formation qu’ils choisissent dans un catalogue. Nous mettons aussi en avant les spécificités « équilibre vie professionnelle-vie personnelle » que permet notre établissement. Nous avons des services dans lesquels nos soignants travaillent le week-end certes mais ils n’ont pas à alterner entre rythme de jour et de nuit (certains établissements imposent une alternance jour/nuit systématique) et peuvent choisir eux-mêmes les jours qu’ils souhaitent travailler en plus (si c’est leur souhait). À cela s’ajoutent des congés payés spécifiques et des compteurs d’heures supplémentaires qui peuvent être posées ou payées selon les besoins du salarié.

 

Quelles sont leurs attentes ?

 

L'équilibre vie-pro et vie-perso est l’une des demandes les plus fortes. Pour les jeunes salariés, notamment, il semble que l’implication forte au travail ne soit plus la norme et que l’espace privé prenne de plus en plus de place. L'entreprise essaie de s'adapter, d’inventer de nouvelles choses. Nous sommes vigilants sur le nombre de jours travaillés consécutifs ou le nombre de week-ends travaillés. Mais notre principale contrainte est que les salariés d’un même service aient tous des plannings identiques pour des raisons d’équité et de fonctionnement du service. L’intégration reste un des points forts à améliorer. Nous accueillons beaucoup de futurs stagiaires, c’est le début de l’intégration. Ensuite, une bonne intégration nécessite un accompagnement de proximité du manager et un suivi de l’intégration fiabilisé. Enfin, le dernier volet que nous pouvons actionner, c’est le développement de carrière. Plus qu’un développement ascensionnel, nous pouvons travailler sur le développement de compétences spécifiques et sur la responsabilisation à l'intérieur du service.

 

Vous faîtes partie du groupe ELSAN, premier opérateur de santé privée en France, comment est-ce perçu par les candidats et par les collaborateurs ?

 

On fait partie d'un groupe mais ce que nous défendons, c'est la culture de notre établissement, ses valeurs, son projet d'entreprise, son autonomie de management. Cela fait aussi partie des valeurs de notre groupe : la proximité et le lien social. C’est ce que nous présentons à nos futures recrues et à nos salariés.

Du fait qu'on soit implanté à Montauban, les salariés ne se projettent pas forcément sur une mobilité géographique que pourrait permettre le groupe. Nos salariés cherchent, avant tout, à travailler chez eux, à Montauban. Les possibilités que pourraient offrir le groupe ne les intéressent pas tous. La question se pose peut-être différemment à Toulouse pour d’autres groupes.

"On fait partie d'un groupe mais ce que nous défendons, c'est la culture de notre établissement."

Montauban, c'est un handicap ou un avantage pour recruter des jeunes, des soignants ?

 

Plutôt un avantage. Nous travaillons dans notre bassin d'emploi local. Pour les jeunes qui sortent de l'école, c'est un choix de se localiser à proximité de leurs familles et amis. Nous recrutons des stagiaires dans les centres de formation IFSI à Montauban, Cahors, Albi et Agen. La question de l’attractivité peut se poser pour les médecins. Nous les intéressons avec un beau projet d'établissement, des perspectives d’évolution et la proposition d’un cadre de vie agréable proche de l’agglomération toulousaine.

 

Pour conclure ?

 

L’attractivité et la fidélisation du personnel sont de vrais défis pour le secteur sanitaire. Si les candidats peuvent être attirés par un meilleur salaire, ils restent dans un établissement pour d’autres raisons : un travail en phase avec leurs attentes et visions, la possibilité de se développer dans leur métier et la qualité de vie au travail. Ce sont de véritables enjeux pour la fonction RH du secteur comme dans d’autres.

 

Propos recueillis par Romain Lanusse-Croussé (TBS Education 2008)

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