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20 novembre 2024

On n’est jamais autant épanoui et productif que dans un environnement qui fait sens pour soi

François-Charles BERTHOIS (TBS Education 2015)

François-Charles, quel est ton parcours ?  

Je suis diplômé du PGE 2015, spécialité DSCG. J’ai effectué mon alternance en contrôle de gestion chez Airbus. Puis, j’ai intégré KPMG en tant qu’auditeur financier, grands comptes sur le secteur industriel, à Paris, pendant 4 ans. Ceci m’a apporté une base technique et générale en finance d’entreprise. J’ai alors eu envie de changer et après un bilan de compétences, mes aspirations professionnelles allaient vers un métier commercial, au contact humain et porteur de sens. J’ai entamé une deuxième vie dans un cabinet de recrutement américain, pendant 4 ans. Enfin, j’ai souhaité m’émanciper et devenir entrepreneur.  

Depuis 2 ans, j’ai monté le cabinet Berthois Conseils avec 3 axes de travail : le recrutement pour compte de tiers spécialisé en finance, le conseil en structuration de département financier pour TPE/start-up et le coaching en gestion de carrière & recherche d’emploi où j’aide les chercheurs d’emploi à identifier leurs drivers personnels pour créer des histoires professionnelles qui marchent.

 

Avec la pandémie, la crise climatique, la guerre en Europe, la situation du monde a objectivement beaucoup changé. Ressens-tu un changement récent dans les attentes des candidats vis à vis du travail, dans leurs priorités ?  

Je pense qu’il y a trois facteurs externes qui ont contribué au changement de perception du marché de l’emploi par les candidats. Tout d’abord, la période Covid avec son corollaire, la guerre des talents et leur raréfaction, a permis de libérer la parole dans une relation au travail en pleine mutation. La génération antérieure a été éduquée en considérant le travail comme le cœur du projet de vie. Pour la nouvelle génération, le travail n’est qu’un moyen de s’épanouir dans sa vie. De plus, avec le changement du rapport de force en faveur des candidats, le sujet des avantages est plus rapidement mis sur la table : salaires, télétravail, convention collective, avantages divers, …  

De nos jours, grâce à la diffusion de l’information, les candidats sont très bien renseignés sur les métiers, les entreprises, les équipes. L’information est plus fluide, accessible et transparente. Le deuxième facteur est l’inflation : les grilles de rémunération ont changé drastiquement, conséquence de ce nouveau rapport de force en faveur des candidats. Cette mutation se caractérise aussi par des changements situationnels et de statuts. Par exemple, en comptabilité, dans les années 90, on pouvait effectuer un début de carrière en intérim, dans une recherche de variété de poste, d’entreprises et d’apprentissages. 

"Les candidats sont davantage sincères : paradoxalement, ils promettent qu’ils ne seront pas fidèles." 

Aujourd’hui, ce principe de cycle professionnel court s’exerce à travers des CDI. Les collaborateurs quittent leur CDI au bout de 6 à 18 mois, dès qu’ils ont l’impression d’avoir achevé un cycle professionnel et d’avoir appris ce dont ils avaient besoin. Cela génère une mutation du marché du travail avec pour l’entreprise un besoin de s’organiser en conséquence. Reprenons notre exemple : en intérim, la date de fin était prédéfinie et l’entreprise s’organisait en fonction, en CDI ce n’est pas le cas et cela peut générer des désorganisations. Enfin, dernier élément, on remarque une tendance de fond à l’ubérisation : beaucoup cherchent à devenir auto-entrepreneurs, consultants ou manager de transition. Cependant, il y a une limite et un plafond de verre et on se rapproche d’un taux d’adhésion maximal. 

 

 

Qu’est-ce qu’ils mettent en avant comme attentes d’une part et d’autre part comme promesses qu’ils font à l'entreprise dans les entretiens que vous faites passer ?  

Les candidats sont davantage sincères : paradoxalement, ils promettent qu’ils ne seront pas fidèles. Ils rejoignent une entreprise qui répond à leurs critères : équilibre vie personnelle, salaire, montée en compétences… Le jour où ces critères ne sont plus réunis, ils quittent l’entreprise. Ils sont cash sur le sujet, la parole est libérée et c’est acté dès le départ. Ils donnent à l’entreprise si et seulement s’il y a un retour. Une étude anonyme montre que le salaire reste le critère de choix numéro 1 des candidats dans leurs choix professionnels.  

On a essayé de nous convaincre que les politiques d’inclusion, de diversité et égalité faisaient basculer les décisions, mais le vrai juge de paix reste le salaire, surtout en période d’inflation. 

 

Est-ce que les entreprises rencontrent des difficultés à recruter dans le secteur qui vous concerne ?  

Quel que soit le secteur, le sujet recrutement est omniprésent. Les talents sont la matière première permettant à une entreprise de changer de catégorie et malheureusement, en France, on souffre toujours d’une inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Le monde de l’entreprise se caractérise par son inertie.

"Le vrai juge de paix reste le salaire, surtout en période d’inflation."

Le temps de l’entreprise n’est pas le même que le temps du candidat. Pour réduire le gap et gagner en souplesse, les entreprises investissent sur l’automatisation de certaines tâches RH : recrutement, administration du personnel, paie, formation… Ils mettent en place des outils pour identifier et retenir les « golden talents » en interne.  

Les structures qui ont compris que les règles du jeu avaient changé et tentent de s’adapter sont une minorité. La plupart conservent des process archaïques, pensant qu’elles conservent l’intégralité du pouvoir de négociation pendant les phases de recrutement. 

 

Est ce qu’il y a un monde à part et des règles à part dans la finance ? Est-ce que les nouvelles générations adoptent toujours volontiers ce secteur avec son modèle propre ?  

La fonction finance a évolué ces dernières années et on attend plus de celui qui l’exerce, notamment qu’il soit business partner. Désormais la fonction finance doit sortir de sa tour d’ivoire et agir sur le CA. De ce fait, elle prend encore plus d’ampleur. On décloisonne les jobs. Autre élément, de nombreuses évolutions technologiques ont transformé le secteur : mise en place d’automatisation, de robotisation, de la place de l’IA dans la finance.  

Pour travailler dans la finance, il faut maintenant des notions de gestion de la data. Pour les nouvelles générations, l’équilibre vie pro-perso est devenu important. Historiquement, un deal était passé sur certains top jobs : le junior faisait 80h/semaine mais percevait un salaire 1,5 à 2 fois supérieur à la moyenne. Aujourd’hui, beaucoup refusent et on assiste à des cycles de 2-3 ans au lieu de 5 ans. Ils vont capitaliser sur cette expérience et la revendre en corporate par exemple.

 

Comment envisages-tu ton métier aujourd’hui, quelle est la valeur ajoutée que tu défends ?  

On n’est jamais autant épanoui et productif que dans un environnement qui fait sens pour soi. On délivre plus sur un métier passion.  

J’encourage les candidats à être pro actifs dans leur recherche d’emploi, à ne pas subir les annonces, les chasseurs de tête et les process. Il faut être acteur de sa recherche d’emploi : se renseigner sur l’équipe, la société, challenger les personnes rencontrées lors des entretiens, créer ses opportunités et démontrer sa valeur ajoutée, surtout sur des fonctions supports.

"J’encourage les candidats à être pro actifs dans leur recherche d’emploi, à ne pas subir les annonces, les chasseurs de tête et les process."

Tu as choisi de monter ta propre entreprise après avoir travaillé dans de grosses structures. Qu’est-ce que ça dit de tes propres attentes vis à vis du travail ?  

Les grosses structures m’ont apporté beaucoup de choses, je leur en suis reconnaissant. Cela m’a permis de me forger des opinions. On ne recrute bien que les métiers qu’on comprend. Aujourd’hui, j’exerce un métier qui a du sens pour moi, en phase avec mes valeurs d’expertise, d’excellence, d’honnêteté et de transparence. L’agilité fait évoluer mon métier et mon offre (conseils, coaching) et permet de prendre des sujets plus en amont pour créer plus de valeur pour les clients.  

Ainsi, je me démarque de mes concurrents. Je peux développer ma propre vision du recrutement avec une dynamique de conseil bien supérieure à l’offre traditionnelle. L’ambition est de créer une boutique de référence sur le recrutement en finance, avec des process établis et lisibles. 

Propos recueillis par Romain LANUSSE-CROUSSE (PGE, 2008)

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