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01 juin 2022

Dans un univers encore plutôt masculin, récit d’un leadership féminin qui « habite » l’entreprise qu’elle a créée.

Béatrice a travaillé dans différents services support chez Airbus avant de cocréer Syntony avec son mari, elle a suivi la formation Métiers Dirigeants de TBS Education. Elle souhaitait apprendre pour entreprendre et légitimer sa position. Ce n’est jamais facile d’être « l’épouse de » même avec un diplôme en poche.


Béatrice Korsakissok
TBS 2016
Secrétaire Général, SYNTONY GNSS France

De sa formation Béatrice a retiré de riches enseignements sur la vision stratégique d’une entreprise. Elle recommande ce parcours qui lui a donné stabilité et force de caractère. Aujourd’hui elle codirige Syntony créée en 2015, une PME technologique spécialisée dans les systèmes GNSS, qui conçoit et réalise des équipements en radio logiciel (simulateurs, récepteurs, enregistreurs de données). Ils ont construit une offre diversifiée composée de 4 domaines d’actions bien différents (aéronautique, spatial, transports publics, domaines miniers) et sont très orientés vers l’international. Ils ont grandi en apprenant du besoin du client et en construisant la vision au-delà de celui-ci.   

Cofondatrice et vice-présidente de Syntony, elle partage son aventure en famille 

Elle assume pleinement sa complémentarité avec son mari. Travailler en couple a été une révélation : ils découvrent leurs faces cachées respectives et la puissance intellectuelle qu’ils utilisent dans leur métier.  Même s’ils partagent les mêmes valeurs, des choix pour Syntony les ont aussi opposés. Ils ont su trouver des consensus pour pérenniser leur couple tout autant que l’aventure entrepreneuriale. Ils arrivent à déconnecter du travail le week-end, à se retrouver en famille pour pouvoir se poser les bonnes questions, prioriser les enjeux au détriment des préjugés et des problèmes qui n’en sont pas.

 

Se poser les bonnes questions, prioriser les enjeux au détriment des préjugés et des problèmes qui n’en sont pas.

 

Une dirigeante à sa place dans un monde d’ingénieurs, plutôt masculin

Chez Syntony, elles sont onze femmes sur une cinquantaine de collaborateurs, dont 2 en R&D, qui représente deux tiers de l’activité de Syntony. On y favorise les échanges informels ainsi que l’agilité intellectuelle : les viennoiseries le matin, les portes ouvertes, la zone de production et la zone café séparées par une baie vitrée (suite à la visite des usines d’Elon Musk) pour mettre en évidence les difficultés de la production et stimuler implicitement la cohésion d’équipe. La syntonie c’est le moment où les instruments s’accordent. Très joli symbole de leur métier ! L’accord des signaux GNSS répond à cette harmonie particulière de travail, de respect entre toutes les parties prenantes de l’entreprise qui sont ancrées dans leurs valeurs. Béatrice a appris à se connaître à travers différentes expériences plus ou moins difficiles en tant que salariée. Cela a été très formateur pour sa posture de dirigeante : le non-respect des valeurs humaines les plus essentielles n’est pas tolérable dans son entreprise. Selon elle, le leadership n’est pas de montrer l’exemple en arrivant avant tout le monde le matin. C’est habiter la vision, la retranscrire avec dynamisme, se donner les moyens de la partager, de la susciter et d’accompagner les personnes à y parvenir... Une entreprise, c’est avant tout une équipe qui a envie de poursuivre l’(in)accessible étoile ensemble, pas « une bande de copains». Béatrice a intégré un réseau international de femmes entrepreneurs aux Etats-Unis présidé par Martine Liautaud qui l’a mentorée. Elle s’est aussi inspirée des américains et des européens du nord en organisant des groupes de créativité. Elle a essayé de créer de l’intimité avec son équipe au départ en partageant une partie de la sphère privée (BBQ au jardin etc… ) mais cela a perturbé l’équilibre de l’entreprise. Il faut savoir garder un jardin secret. Amener les personnes dans le changement permanent est un jeu quotidien. Difficile de dire si on a raison d’être trop gentil. Tout l’enjeu est de garder l’équilibre et de conserver les compétences. Cela passe par l’écoute, la co-construction, la recherche de bienveillance et d’engagement mutuel.

Les postures masculines et féminines sont complémentaires

Pour Béatrice, être femme est difficile mais construit aussi un courage et une force intérieure. Les femmes, dotées d’un pouvoir de résilience hors du commun, sont obligées d’avoir la tête froide pour prendre des décisions. Le leadership féminin est complémentaire au leadership masculin. Les hommes et les femmes se battent différemment : les hommes, plus directs, optent plutôt pour le « conflit » et ils en rient après ; les femmes vont essayer de comprendre, de coconstruire la relation, de renouer et retrouver le consensus. Parfois, il faut savoir aller au front très vite. Parfois, il vaut mieux y aller de façon plus lente, plus subtile. Il y a un équilibre entre la fougue et la force tranquille nécessaire pour la gestion et le développement de l'entreprise. Il faut rester loin des clichés. Les femmes sont aussi téméraires mais sous des angles différents. Par ailleurs, les femmes doivent être présentes dans tous les types de postes parce que c’est nourrissant pour les équipes, il y a tous les profils chez elles comme chez les hommes. "Le monde n’est pas plus beau s’il est géré seulement par des femmes"

Les jeunes générations inspiratrices pour une nouvelle posture managériale

Avant le COVID, Syntony embauchait une personne par mois. Un recrutement est un échange basé sur l’écoute et la co-construction pour gérer les bonnes volontés et vérifier les compatibilités de collaboration. Lors des recrutements, elle cherche d’abord des profils de personnes compétentes. Si ce sont des femmes, c’est très bien ! Le taux d’engagement des salariés est remarquable. Le turn-over est très faible. Pour aller chercher les jeunes générations, elle utilise le mentoring et les interventions dans les établissements d’enseignement supérieur pour motiver les jeunes femmes à accéder aux métiers scientifiques et techniques. Syntony embauche des apprentis. En payant leurs études, ils participent à leur co-construction et les embauchent à la sortie s’ils ont fait leurs preuves. Des apprentis sont présents à toutes les fonctions de l’entreprise. Ils ont conservé des talents qui sont des pépites maintenant. Ce sont des salariés très différents à employer, prêts à s’impliquer plus spontanément. Cette génération travaille pour vivre mais est consciente que l’existence n’est pas faite que pour travailler. Plus sensés sur ce point que la génération de leurs parents, ils sont capables de montrer où ils veulent aller par leurs actes. Ils sont un exemple de maturité incroyable !! L’intergénérationnel est important pour apprendre à se respecter, le mélange est gagnant. Quand les jeunes diplômés arrivent chez Syntony, ils sont très pointus mais n’ont aucune idée de ce que signifie le monde professionnel. II faut les aider à s’y mouvoir.

 L’enseignement supérieur doit se réinventer

Notre système d’éducation ne prépare pas entièrement les étudiants à entrer dans la vie professionnelle. Il faudrait donner plus de place au « j’apprends en faisant ». Même s’ils ne vont pas tous vers l’apprentissage, l’éducation de ces futurs talents devrait être plus englobante :il faut leur donner les moyens de se connaître et de trouver les chemins qui les rendront heureux dans leur vie. Chez les ingénieurs, un vrai plus serait d’intégrer des formations sur la communication, le management d’équipes, la gestion d’entreprise. Ils seraient plus ouverts sur le monde de l’emploi et comprendraient mieux leurs aspirations. Les stages de fin d’étude sont trop courts. Il faudrait une façon plus pragmatique d’accompagner les étudiants. Pour qu’ils entreprennent avec succès après leurs études, il faut les accompagner. On aurait plus de forces pour le développement de nos entreprises.

 

Béatrice essaie de déconstruire les arguments de « chance » pour leur faire prendre conscience qu’elles ont eu la ténacité d’aller au bout de leur rêve.

 

Quelques conseils aux jeunes filles pour plus d’audace managériale

Construire un bon réseau notamment féminin a aidé Béatrice à glaner des idées, se mettre en regard de soi-même avec d’autres entrepreneures. Elle intervient aujourd’hui dans EquaI ID, 100 000 entrepreneurs sur le thème « Raconte-moi tes forces » pour inspirer les jeunes filles et leur expliquer qu’elles sont capables. Oser être soi. C’est une force d’être femme : se rendre compte que nous avons tout dans notre cerveau pour faire, mobiliser les bonnes ressources au bon moment. Les femmes ont les mêmes dispositions intellectuelles que les hommes. Qu’elles osent s’en servir ! Il faut être consciente de son potentiel en restant soi-même, sans vouloir réprimer ses envies pour les faire passer après celles des autres … Béatrice essaie de déconstruire les arguments de « chance » pour leur faire prendre conscience qu’elles ont eu la ténacité d’aller au bout de leur rêve. Il n’y a que les carrières dont on rêve qui sont à succès.   

 

"Sois qui tu veux être, offre-toi ton rêve !!"

 

Auteur

Accompagnement de dirigeants en management de l'innovation
Management de projets complexes
Coordination de programmes entrepreneuriaux Voir l’autre publication de l’auteur(trice)

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